Les sévères conclusions de la commission d’enquête phytos
Lancé en juillet 2023, le travail de la « commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre ses objectifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires » s’est achevé le jeudi 14 décembre par la présentation et le vote d’un rapport.
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« Nous ne pouvons que faire le constat d’un échec collectif à réduire notre empreinte chimique, et les chiffres, dans une lecture objective, sont sans appel », a déclaré Dominique Potier, député de la Meurthe-et-Moselle et rapporteur d’une commission d’enquête parlementaire sur l’usage des produits phytosanitaires.
Lancée par le groupe Socialistes et apparentés, cette commission avait pour objectif d’analyser « les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire. »
Après plusieurs mois de travaux, le rapport a été présenté et soumis aux votes le jeudi 14 décembre 2023. Il se positionne ainsi « idéalement, comme une contribution utile au débat public, en amont d’un quatrième plan [Ecophyto 2030, NDLR] », a estimé Dominique Potier.
Le rapport, très critique, a notamment débouché sur 26 recommandations qui visent à :
1. « Éclairer la réalité »
La commission d’enquête préconise d’abord l’amélioration du suivi de l’usage des produits phytosanitaires. Elle appelle notamment à soutenir l’adoption d’un indicateur européen de mesure de l’utilisation des produits harmonisé, ou encore à renforcer ou mettre en œuvre la surveillance des molécules dans l’eau, l’air et les sols.
2. « Consolider le régime d’autorisation » des produits
L’expertise scientifique, « au cœur de ce régime » est, elle aussi, pointée du doigt. « Nous observons [qu’elle] fait l’objet d’une certaine défiance », lit-on dans la synthèse du rapport, qui recommande l’amélioration de la méthodologie des évaluations des risques conduits par les agences sanitaires lors des autorisations des matières actives (niveau européen) et des produits commerciaux (niveau national).
Pour ce faire, la commission estime que le budget de l’Efsa (agence européenne des risques) devrait être augmenté de 14,25 millions d’euros et celui de l’Anses de 10 millions d’euros.
3. Fortifier la recherche et le conseil stratégique
Un pan du rapport est également consacré à l’amélioration de la recherche et au « réarmement » du conseil agricole, « le grand échec de cette décennie ». Ainsi, la commission d’enquête appelle-t-elle à la mise en place d’un conseil agronomique global annuel et universel sous l’autorité des chambres d’agriculture.
Elle propose également de « responsabiliser les acteurs de la vente de produits phytopharmaceutiques avec des objectifs clairs en matière d’obtention de certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP) : la levée de l’interdiction et le rétablissement de la sanction ». À ce sujet, un projet de texte visant à prolonger ce dispositif pour 2024-2025 et se voulant plus sévère pour les distributeurs ne respectant pas les règles avait été soumis à consultation publique du 30 août au 19 septembre 2023.
4. « Promouvoir les politiques publiques en faveur de l’agroécologie »
Le rapport pose aussi le constat « d’un rendez-vous manqué avec le plan stratégique national (PSN), qui aurait pu marquer un tournant agroécologique de l’agriculture française ».
Pour y remédier, il préconise l’anticipation de la révision du PSN, et notamment la réforme du cahier des charges de la HVE, avec « l’exigence d’une diminution de 50 % de réduction des produits phytopharmaceutiques [et] l’expérimentation d’un système assuranciel destiné à couvrir le risque des changements de pratiques. »
5. « Instaurer des règles de marché loyales »
« Face au constat d’une perte de compétitivité de l’agriculture française, nous dénonçons les concurrences déloyales dont nos agriculteurs sont victimes », est-il mentionné dans la synthèse du rapport. La commission d’enquête recommande donc d’engager des mesures miroirs pour mettre fin aux distorsions de concurrence extracommunautaires.
Elle appelle également à « rééquilibrer l’effort de réduction des produits phytosanitaires en le faisant davantage peser sur les entreprises agroalimentaires et la grande distribution ».
6. « Améliorer le pilotage public »
En se penchant sur la gouvernance des différents plans Ecophyto, la commission parle d’un « échec du pilotage interministériel » et de « l’incapacité à articuler » les différents plans et aides à l’agriculture. Elle propose notamment d’inscrire le plan Ecophyto dans un environnement plus large comprenant la grande loi foncière et une « politique agricole et alimentaire commune ».
7. « Sanctuariser les captages pour l’alimentation en eau potable »
Enfin, la commission d'enquête recommande de « compléter et d’affermir » la réglementation pour prévenir les pollutions diffuses dans les aires d’alimentation des captages pour l’eau potable. Avec par exemple, la généralisation des zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE) « en rehaussant le niveau d’exigences des plans d’action qui leur sont associés », celles-ci ayant jusqu’ici été « trop peu mobilisées pour stopper la contamination des captages », estime la commission.
L’inscription « systématique » de la prévention des pollutions diffuses liées aux pesticides au sein des Sdage (1) ainsi que la création d’un droit d’expropriation mobilisable dans la situation où l’ensemble des autres dispositifs disponibles n’auraient pas produit les résultats attendus sont également évoquées.
(1) Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux.
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